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- Déclaration de Guerre 

- Violation du droit international 

- Intervention militaire

- Sanctions

   Le mercredi 24 février 2022, le Président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, initie une intervention militaire spéciale en Ukraine, afin de dénazifier l’Ukraine et de soutenir les populations issues des territoires séparatistes du Donbass. Le monde entier a été choqué négativement, se sentant dans l’obligation de répondre à l'agression, que dis-je ? Le monde de l’Occident, car certains États non-occidentaux n’ont pas manifesté leur émotion contre l’action de Poutine.

Les orientations du débat

De nombreux médias télévisés diffusent les réalités de l’horreur de la guerre, chaque gouvernement et surtout les gouvernements prétendument démocratiques de l’Union Européenne (UE), font des communications condamnant l’action militaire Russe avec un cortège de sanctions économiques issu d’un amalgame de règles politiques et juridiques qui sont non conformes au droit international. Certains vont même plus loin jusqu’à prévoir des sanctions militaires, débouchant à un soutien militaire des États-Unis et des membres de l’OTAN à l'Ukraine. 

À cet effet, le Président Français, Emmanuel Macron tenait un discours de va-t-en-guerre pour lancer sa campagne présidentielle : « nous réagirons à la hauteur des interventions de la Russie […] nous réagirons militairement pour protéger un pays de l'Europe. » 

Ne mettons pas de côté les nombreux internautes qui sont partagés entre la légitimation de l’action de Poutine, l’interprétant comme une action courageuse ( l’espoir de voir un homme défier les maîtres du monde ancien ), et la condamnation d’une action militaire visant à régler des différends sans faire usage de tout l'arsenal diplomatico-juridique offert par les institutions internationales (ONU). Quoi qu’il en soit, le décor est planté, soit on est d’accord avec l’action de Poutine, soit non. Il ne faut pas être neutre, sinon on n'est pas humain. De nombreux juristes et politologues internationaux n’y sont pas allés de main morte en considérant Vladimir Poutine comme un fou qui voudrait détruire un ordre pourtant fondé sur des règles (RBO). Pourtant, comme j’ai eu à le démontrer dans un article soumis à une revue internationale prestigieuse, la version juridique de l’internationalisme libérale n’est pas l'expression d’un système international ordonné. Le désordre est si vite arrivé quand les promoteurs de la RBO bénéficient des avantages politiques, économiques, juridiques technologiques, culturels etc, sans avoir d’obligations de partage des valeurs. 

Un pouvoir international en transition

Le problème qui me pousse à faire cette analyse a souvent été évoqué dans bon nombre de mes écrits, il s’agit de ce que l’américain Robert Gilpin a appelé : le problème du changement pacifique dans la distribution de la puissance. D’après Gilpin, le monde est une succession de guerres hégémoniques entre puissances mondiales et puissances révisionnistes. Ce qu’il faut chercher à savoir, c’est comment faire transiter la puissance sans passer par la guerre. 

Pour ceux qui n’aiment pas l’histoire, rassurez-vous, je ne vais pas être long. 

Après la dislocation de l’URSS, les États-Unis se sont proposés de soutenir plusieurs pays d’Europe de l’Est si ces derniers abandonnent l’idéologie communiste. Il s’agissait là du Plan Marshall. L’Ukraine naît donc de cet accord entre les USA et les anciens pays de l’URSS. Les USA avaient pour but : 

  • Accompagner les économies de l’Est pour les faire adhérer au libéralisme occidental.
  •  Réduire considérablement le pouvoir de la Russie, en l’empêchant de réémerger. 

Pour ce faire, il fallait être efficace politiquement (les régimes démocratiques), économiquement (le libéralisme ) et militairement (l’OTAN). 

Il y a plusieurs années, les USA par le canal de l’UE font à l’Ukraine la proposition d’intégrer l’OTAN. Cette proposition constitue pour la Russie une menace sérieuse de sécurité nationale, car cela suppose que la force militaire américaine serait ainsi proche de ses frontières et installerait des missiles autant offensifs que défensifs pour limiter les interventions militaires Russes. Pour ceux qui connaissent un peu l’actualité internationale, il s’agit d’une situation similaire à celle de la République de Chine (Taïwan). Des séparatistes pro-russes, c’est-à-dire des populations Ukrainiennes favorables à une autonomie et même une adhésion avec la Russie dans les villes de , Louhansk et Donetsk pour ne citer que ces villes se sont ainsi réprimées par les autorités Ukrainiennes depuis huit années déjà, avec une exacerbation de la répression dès le 14 février 2022. Quoi de plus juste pour assurer la sécurité de son territoire. Il est un lieu commun en droit public, qu’un État ne saurait faire scission de son territoire. 

    Déclarant leur autonomie d’avec l’Ukraine, la Russie reconnaît l’indépendance de ces territoires et s’engage à les protéger par stratégie, car il serait pour elle inadmissible que l’Ukraine soit dans l’OTAN. Il faut donc un motif d’intervention. Cependant, le droit de scission ne saurait être acquis par une simple reconnaissance expresse d’un État, fusse-t-il un membre des P5 (cinq puissances qui disposent du droit de véto). Rappelons pour le contexte que de nombreux accords et négociations ont eu lieu pour résoudre ce qui se faisait appeler la crise ukrainienne, dont les fameux accords de Minsk qui proposent des garanties à la Russie. 

Le 24 février, Poutine a décidé d’adopter une action militaire. Cette action militaire est interprétée comme une déclaration de guerre envers l’ensemble des démocraties. Mais, qu’est-ce donc qu’une guerre ? Il faut le rappeler, la guerre est un affrontement armé entre deux belligérants. Et depuis le traité de Westphalie, les États-nations sont indépendants et souverains (par principe) ce qui n’est pas toujours le cas. 

   Donc en violation des frontières Ukrainiennes, Poutine a violé le droit international à travers un usage militaire contre un État indépendant. De plus, il n’aurait pas respecté les processus de négociation que fournissent les organisations de coopération (Nations Unies) étant lui-même membre permanent du Conseil de Sécurité disposant du Véto. L’argument juridique de la Russie semble pour nombre de juristes être une connerie et un mensonge qui ne saurait avoir de justification juridique. Pourtant, se fondant sur la jurisprudence de l’affaire du Nicaragua qui dispose que : « si un État agit d’une manière prima facie incompatible avec une règle connue, mais défend son comportement en invoquant des exceptions ou des justifications contenues dans la règle elle-même, que le comportement de l’État soit ou non justifiable sur cette base, la signification de cette attitude est de confirmer plutôt que d’affaiblir la règle », Poutine émet des arguments sans vouloir convaincre nécessairement.

    Tout ceci n’est certainement pas défendable pour nombreux. Mais vous verrez comment la politique internationale s’accommode moins du droit et des valeurs des Nations Unies. L’objectif de ce texte est de montrer que dans son usage régulier, la souveraineté d’un État se définit aussi par sa capacité à s’imposer par la force comme le disait déjà Carl Schmitt, et comme le pense aussi les intellectuels organiques chinois DU PCC (Parti Communiste Chinois), tel que Jiang Shigong

Le célèbre Historien anglais Paul Kennedy estime que : « la politique mondiale est une naissance et déclin des grandes puissances, et depuis Athènes et Sparte, les puissances se sont toujours fait la guerre pour soit un équilibre mondial, soit un renversement et donc un déplacement du centre de gravité de la puissance. » Suivant cette orientation de Kennedy, dans quelle ligne se situe Poutine ? 

Le regard que je sollicite ici est un regard réaliste offensif, considéré par Mearsheimer comme une transition de puissance. Il postule l’idée selon laquelle, les États utilisent des moyens militaires, économiques, diplomatiques ou symboliques pour soit se maintenir, soit équilibrer les autres puissances, soit les renverser (equilibrium, balancing, bandwagoning).

  1. Pour se maintenir

Pour se maintenir au pouvoir et occuper la place de première puissance, les USA ont utilisé tous les outils nécessaires. Le droit, ou le droit de la guerre (lawfare), le soft power ou puissance culturelle (libéralisme politique et économique : films hollywoodiens pour susciter l’adhésion volontaire, McDonald's ou McDonnell Douglas, OTAN), et même le pouvoir symbolique. Puisque l’usage de la guerre en violation du droit devient une construction morale, je rappelle certaines interventions militaires américaines qui n’ont eu aucune adhésion du CS. En 1993, il y a eu une guerre en Somalie, opération Restore Hope, une guerre du Vietnam (1950-1970) , une guerre en Afghanistan, une guerre en Syrie, une guerre en Irak, une guerre en Colombie avec le fameux plan Colombie, etc…

En ce qui concerne la France, il y a eu la guerre d’Algérie, l’intervention en Côte d’Ivoire, la guerre en Libye, l'intervention militaire au Tchad (bombardement contre les opposants d'Idriss Deby), la guerre en Syrie etc… 

Il ne s’agit pas de comparer les usages illégitimes du militaire, mais de montrer que le droit international ou national est régulièrement suspendu par les puissances pour assurer aux États la nécessité de la survie. Qui dit guerre, dit destruction des biens et pertes en vies humaines. 

  1. Pour l’équilibre 

 Après 1945, l’équilibre était militaire, les deux puissances rivales URSS et USA disposaient de la puissance nucléaire, et personne ne pouvait donc en faire usage. C’est l’équilibre des puissances. La même situation se reproduisait bien avant, au IVe av J-C, pendant la ligue de Délos, compétition entre Sparte et Athènes. Pour renverser l’équilibre, les Athéniens ont donc usé de leur capacité financière pour soutenir certaines cités grecques et  leur richesse culturelle pour faire accepter leur leadership. Le Gouvernant Spartiate subissait donc une campagne de diabolisation. Il était considéré comme violent et barbare. C’était la période du Campisme, chacun devait choisir son camp. Soit on est pour la paix, la vie paisible, l’amour de la sagesse, soit on est pour la barbarie. Et pourtant, en voulant être neutre, les habitants issus de la petite cité de Mélos furent réduits en esclavage et tués par Athènes, cette belle puissance normative. 

     C’est ce qui s’est passé pendant la confrontation URSS / USA où Staline fut diabolisé, et le plan Marshall vit le jour en Europe de l’Est. La conférence des non-alignés fut considérée comme une menace pour les USA, le sort de Nasser, l’histoire nous le rappelle. L’équilibre consistant à fédérer de son côté de nombreux acteurs de la communauté internationale pour justifier son idéologie comme en témoigne le vote aux Nations Unies contre l’intervention Russe (141/35/5).  

  1. Le balancing 

Pour balancer une puissance, il faut d’abord l’équilibrer. Après les tentatives d’équilibrage du Japon et de l’Allemagne qui se sont soldées par les guerres mondiales, l’équilibrage militaire a été considéré comme une stratégie peu payante. Les puissances émergentes de l’époque au-delà des armes ne représentaient pas une idéologie d’adhésion (bandwagoning ou buck-passing). Francis Fukuyama pouvait donc dire que nous sommes à la fin de l’histoire, car le libéralisme (démocratie, économie libre) l’a emporté sur toutes les idéologies. Mais, il n’avait certainement pas imaginé que la fin de l’histoire aurait pris fin. 

   L’équilibrage économique est apparu dans les années 2000 avec l’émergence de la Chine et particulièrement celle des pays émergents BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). Ces pays ont contribué à réduire la pauvreté dans le monde de 75%. La Chine a connu une croissance économique de 9% entre 2008/2014. Dans le même temps, les USA ont perdu leur économie régnante, cédant des bons du trésor américain à la Chine, à la Russie. C’est donc le signe de l’interdépendance et donc de l’équilibrage économique. Avec ses entreprises, dans le monde, la Chine et les émergents deviennent les maîtres, rappelons que l’UE dépend à plus de 55 % de la Russie au plan énergétique. Pour qu’une puissance soit considérée comme hégémonique, elle doit être leader et souveraine dans son espace régional. En Asie du Sud-Est et de l’Est, la Chine s’est sanctuarisée militairement et économiquement devenant le leader du pacifique. En Europe de l’Est, la Russie doit être capable de s’imposer pour devenir aussi une puissance hégémonique. Pourtant, il s’agit là d’une tâche lourdement complexe, car l’hégémonie ne saurait reposer uniquement sur une domination militaire. 

   C’est donc ce qui justifie l’opération en Ukraine. La faiblesse militaire des européens combinée à la faiblesse économique des USA qui viennent de quitter l’Afghanistan, crée des conditions de possibilités pour la Russie de lancer une opération qui sur de nombreux points devrait être payante. Cependant, cette entreprise à érodé une bonne partie de son soft power en Europe, et a permis à une Europe en crise de s’unir du moins politiquement.

Hans Gerold Sorhel Moukagni, Doctorant en Science Politique chez Université de Bourgogne et Université de Montréal.


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